Publié tous les week-ends/ Published every weekend
Ne serait-il pas merveilleux si ces histoires étaient vraies? Malheureusement (ou heureusement) ce n'est pas le cas. Elles ne sont que le fruit de mon imagination fertile. Tous les personnages et les événements décrits sont fictifs et si vous croyez vous reconnaître ou reconnaître une de vos connaissances, ce n'était pas mon intention et ce n'est qu'une coïncidence. J'espère que ce blogue vous plaira. N'hésitez pas à en faire circuler le lien où vous vous promenez sur l'Internet et à laisser des commentaires ci-dessous. J'aime bien entendre parler de vous.
Geoffroy
2014-03-16
Chronique hospitalière III : L’encubé
Le présent récit fait partie d'un feuilleton. Vous pouvez lire le premier épisode et suivre l'hyperlien à la fin de chaque billet pour lire la suite.
Campé dans un fauteuil roulant au service des urgences de l’hôpital, j’ai vite appris pourquoi on appelle les gens hospitalisés des « patients ». La patience est une vertu qui consiste à savoir attendre en silence et avec résignation.
Malheureusement, la jeune femme assise devant moi n’avait pas compris cette réalité. Le téléphone solidement collé à l’oreille, elle déblatérait contre l’ineptie du système de santé.
« Ça fait cinq heures que j’attends! J’ai la tête qui éclate depuis qu’ils m’ont fait ces injections la semaine dernière et je pars pour la Thaïlande dans deux jours! Pourquoi n’y a -t-il personne pour s’occuper de moi? Ne se rendent-ils pas compte que c’est une urgence? »
En me conduisant à l’hôpital, Lucide avait tenté de me rassurer quant à la durée du séjour qui m’attendait en m’expliquant la différence entre un régime de soins de santé public et un système privé.
« Dans un système de santé privé, les patients sont des sources de revenu tandis que dans un système public – comme celui que nous avons au Canada – ils ne sont que des dépenses. Il est donc dans l’intérêt du système public de te soigner et de te renvoyer rapidement chez toi pour guérir. Tu verras, en deux temps trois mouvements tu seras sur pied et de retour dans ton appartement où tu pourras faire le ménage. »
J’aurais aimé partager l’optimisme de mon amie, mais j'avais deviné que l’attente pourrait être longue au service d’urgence, c’est pourquoi j’ai demandé à Lucide de me préparer un petit en-cas avant de partir de chez moi. Dans le sac que je portais se trouvaient donc un sandwich, des pommes, une orange, des biscuits, une bouteille d’eau, deux paquets de cigarettes et un flacon d’ibuprofène, l’anti-inflammatoire qui rendait mes douleurs supportables.
La voyageuse pour la Thaïlande souffrant de migraines faisait furieusement les cent pas en fulminant quand on m’appela sur l’interphone.
Avec peine, je poussai mon fauteuil roulant jusqu’à un bureau ou m’attendait une infirmière qui voulait vérifier mes « signes vitaux ». Il me fallut un moment pour comprendre qu’elle voulait mesurer ma pression artérielle et prendre ma température.
« Pas tout de suite. Nous sommes débordés en ce moment. Nous vous appelerons pour vous dire dans quel cube vous devrez vous rendre. »
« Un cube? » lui demandai-je, perplexe.
« C’est ainsi que nous appelons les salles d’examen. Maintenant, si vous voulez bien retourner dans la salle d’attente, j’ai d’autres patients à voir. »
La perspective de me faire encuber à l’hôpital ne me souriait guère. Pourtant, au bout de dix heures, on m’appela pour me rendre au cube 67. Pendant cette période, plusieurs patients – dont la migraineuse qui voulait partir pour la Thaïlande – avaient quitté le service des urgences, lassés d’attendre, sans avoir vu de médecin.
ma crise de goutte, le diagnostic d’entorse avec déchirure ligamentaire, les longues semaines passées au lit à la maison, la paralysie.
Elle voulut m’examiner et, pour ce faire, dut appeler deux préposés qui m’ont soulevé de mon fauteuil roulant et placé sur un lit. Avec effort, j’enlevai ma veste et ma chemise et on me fit enfiler une blouse ouverte dans le dos et attachée à la nuque par un cordon. Après avoir tâté mes genoux, mes mains, mes poignets et mes bras, l’urgentologue quitta le cube sans mot dire.
Je l’entendais s’entretenir avec un homme de l’autre côté de la porte :
« Il a la cinquantaine avancée, il a de la difficulté à marcher et à bouger, je me demande si... » dit-elle.
« Tous les symptômes sont là, il pourrait s’agir d’une sténose spinale », raisonna l’homme
« C’est bien ce que je pensais », répondit-elle.
Ce sont les derniers mots que je l’entendis prononcer et je ne devais plus jamais la revoir.
Au bout d’une demi-heure, une infirmière portant un panier de plastique rempli de fioles et d’étiquettes entra dans le cube.
« Je dois faire une prise de sang, me dit-elle. Retroussez votre manche s’il-vous plaît. »
Sans enthousiasme, je me pliai à ce rite sacrificiel. Après qu’elle eut rempli de mon sang 31 ampoules, l’infirmière s’éclipsa.
Je me retrouvais seul dans mon cube, assis sur un matelas de mousse recouvert de similicuir glissant. J’avais froid, j’avais mal aux bras, aux épaules et aux jambes. J’ignorais ce qui adviendrait de moi. Je ne savais pas ce qu’était une sténose spinale et j’avais peur.
Quand je me réveillai, un homme vêtu d’un uniforme beige s’apprêtait à me transférer sur une civière. Je l’observai mettre mes vêtements, mon sac et mes chaussures sous la litière sur laquelle il me fit ensuite glisser avec une grande délicatesse.
Il ouvrit la porte du cube et poussa dans le couloir la civière où j’étais étendu. Quand je lui ai demandé où il m’emmenait, il me répondit :
« Où je vous emmène? Mais à l’aire des civières, bien entendu! »
Lisez la suite de ce récit dans Chronique hospitalière IV : Des civières dans l'aire
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