Plus d’un demi-siècle s’est déjà écoulé depuis ma naissance... Tellement de choses peuvent changer en 50 ans.
Par exemple, il n’a fallu que 50 ans pour que la population de bisons d’Amérique (bison bison) qui paissait dans les prairies de l’Ouest soit réduite de plus de 100 millions d’individus à une poignée seulement.
Le majestueux bison : l’emblème de la province du Manitoba, le fier bovin qui pare le drapeau de l’État du Wyoming, le gagne-pain de « Buffalo » Bill Cody et le moyen de subsistance de générations d’Autochtones américains régnait incontestablement dans les vastes plaines d’Amérique. Il n’avait que peu de prédateurs, à part l’ours grizzli et le loup, et il était heureux de brouter, de se reposer et de ruminer avant de se déplacer vers un nouveau pâturage.
Sa taille impressionnante – un bison des plaines mâle (bison bison bison – celui ou celle qui trouve les noms latins des espèces animales manque évidemment d’imagination de temps en temps) pèse près de 1 000 kilos – son mauvais caractère quand on le dérange, sa vitesse et son agilité (un bison court à plus de 60 km/h et saute près de deux mètres en hauteur) et sa tendance à se ruer en troupeau lorsque les moustiques le dérangent en font un animal qu’il vaut mieux ne pas contrarier.
Un bison des plaines se reconnaît du bison des bois (bison bison athabascae) par sa taille (le bison des plaines est plus petit) et par la forme de sa bosse qui est arrondie tandis que celle du bison des bois est équarrie. Les deux bêtes sont tout aussi irascibles l’une que l’autre.
La gestation du bison d’Amérique est de 285 jours et un mâle est en mesure de se reproduire à trois ans. Toutefois, dans un troupeau, les mâles plus âgés font preuve d’autorité pour empêcher les plus jeunes de se reproduire. Par conséquent, jusqu’à ce qu’il soit assez vieux et assez gros, le bison mâle doit se contenter de garder un œil concupiscent sur les femelles de ses aînés en pratiquant sa technique d’accouplement sur ses congénères mâles plus jeunes, à leur grande consternation.
Le XIXe siècle a été dur pour le bison d’Amérique. Les colons européens envahissaient l’ouest et rencontraient des Autochtones qui délaissaient leur patrie de mauvais gré pour satisfaire la cupidité des nouveaux arrivants envers de nouvelles terres. Des réserves ont été mises en place pour y confiner les indigènes, mais certains refusaient de s’y établir. Il fut donc décidé de les affamer en tuant les bisons dont ils dépendaient grandement pour se nourrir et faire du commerce.
Ce qui est pis, les nouveaux Américains posaient des centaines de kilomètres de voie ferrée partout où ils allaient, souvent en utilisant les sentiers que les bisons avaient tracés pendant leurs migrations.
Comme tout animal migrateur, le bison d’Amérique aimait bien ses sentiers et comptait bien les réutiliser peu importe s’ils étaient occupés par un chemin de fer ou non. Savez-vous combien il est difficile de respecter un horaire de train quand à n’importe quel moment un troupeau de bison peut décider de traverser la voie? Voilà donc une autre excellente raison de chasser le bison.
Finalement, la révolution industrielle infligea le coup de grâce au bison d’Amérique.
Les nouveaux moteurs à vapeur et à explosion avaient besoin de courroies d’entraînement solides pour faire tourner leurs engrenages. Les meilleures courroies étaient fabriquées au moyen du cuir épais tiré de peaux de bison. Le secteur de la fabrication, dont la productivité augmentait en raison de la mécanisation des usines, pouvait dorénavant mettre sur le marché nombre de nouveaux produits dont certains nécessitaient un assemblage complexe. Grâce à l’hydrolyse, les os de bison pouvaient être transformés en collagène, une excellente colle pour joindre des pièces. C'était bien avant l’invention du ruban adhésif, du Velcro et des attaches auto-bloquantes, à une époque où la fixation des pièces était quelque peu compliquée.
Des os de bisons en voie d’être chargés dans un wagon du chemin de fer Canadien Pacifique à destination d’une usine de fabrication de colle. Photo: Bibliothèque et Archives Canada / PA-066544
C’est ainsi que la chasse a continué jusqu’à ce que tout le cheptel de bison d’Amérique soit réduit à quelques bêtes à peine.
Heureusement, selon la légende, en 1881, un agriculteur du Dakota du Sud a acheté les cinq derniers veaux de bison, ce qui a permis de préserver l’espèce. En une trentaine d’années, un troupeau de quelque 1 000 bisons broutait de nouveau dans la grande prairie, ce qui a donné lieu à une nouvelle controverse.
Des tests d’ADN ont permis de déceler la présence de gènes de bovins ordinaires dans ceux des bisons. Si vous étiez une vache Jersey de 300 kilos en train de brouter paisiblement et que, soudainement, vous vous apercevez qu’il y a un bison d’une tonne qui en assez de forniquer dans la fange avec ses compagnons et qui vous fait des yeux doux de l’autre côté d’une clôture par-dessus laquelle il peut facilement sauter, que pourriez-vous faire d’autre?
La vache Jersey est populaire parce que son lait est de grande qualité, qu’elle est de petite taille et qu’elle est très féconde. Image: Nathan Greenwood / FreeDigitalPhotos.net
Tu sembles en connaître beaucoup sur le bison. Méfies-toi : tu pourrais un jour en devenir un! MDR!
RépondreEffacerC.
Pour forniquer dans la fange avec mes compagnons? Non merci!
RépondreEffacerMerci de lire l'Intestin grêle.
Geoff
Comme disait Brel, peut-être à propos du bison d'ailleurs : "Beau et con à la fois". Au fait, il mesure combien l'intestin grêle du bison. Bravo de contribuer ainsi à notre érudition.
RépondreEffacerE. S.
Brel et Vian : comme ils écrivaient bien! En passant, un des pseudonymes de Boris Vian était « Bison Ravi », coïncidence?
RépondreEffacerPour ce qui est de la longueur de l'intestin grêle du bison, je l'ignore totalement. Toutefois le Musée canadien de la nature offre un casse-tête de l'appareil digestif complet du bison à l'adresse suivante : http://tinyurl.com/7jjkgrs!
Merci de lire l'Intestin grêle.
Geoffroy Hauppier