Je ne sais pas pourquoi, mais les gens viennent souvent me poser toutes sortes de questions, comme si j’avais la science infuse. Alors, quand je n’ai pas de réponse, j’en invente une pour ne pas les chagriner.
Étrangement, la question qu’on me pose le plus souvent est la suivante : « Pourquoi le cannabis est-il illégal au Canada? » Vous m’excuserez d’avoir à reculer une cinquantaine d’années dans l’histoire du Canada pour y répondre.
Le cannabis est une plante originaire de l'Asie centrale et méridionale. C'est sans aucun doute par les courants marins et les vents que des graines de cette plante ont abouti en Amérique centrale pour ensuite se propager à l'Amérique du Nord.
Dans les années 1960, alors que les États-Unis d’Amérique étaient en guerre contre le féroce adversaire qu’était le Viet-Nam, de nombreux conscrits désertèrent parce qu’il leur était interdit de consommer du cannabis sous les drapeaux. Certains de ces jeunes hommes s’exilèrent au Canada pour y chercher asile et se livrer paisiblement à leur habitude psychotrope.
Malheureusement, à l’époque, le cannabis ne poussait pas encore au Canada. Son plus proche parent était un chanvre fruste, tout juste bon à faire des cordes pour pendre les gens. La nation américaine brille toutefois par son ingéniosité et son esprit d’entreprise et ces jeunes déserteurs importèrent des graines de leur espèce végétale favorite et se mirent à en faire la culture.
L’été 1967 fut particulièrement beau, chaud et humide, des conditions idéales pour la pollinisation. Rapidement, le cannabis se répandit dans les prairies, les vallées, les montagnes et les forêts canadiennes si bien qu’il devint une espèce envahissante.
Le Canadien est un personnage simple et travaillant, mais il n’est pas bête pour autant. Il se rendit bientôt compte des vertus de cette plante et se mit, lui aussi, à en faire la culture et à en consommer.
Hélas! Le cannabis poussait si bien dans la terre riche et grasse de la campagne canadienne que sa croissance dépassa largement les besoins de consommation de la population. À regret, les cultivateurs qui, par nature détestent le gaspillage, se mirent en quête de débouchés commerciaux à l’étranger pour écouler leurs surplus sur les marchés internationaux.
C’est ainsi que la culture du cannabis est aujourd’hui devenue une industrie d’exportation florissante qui contribuerait de façon notable au produit intérieur brut du Canada si elle n’était pas plus ou moins clandestine.
Il serait difficile de qualifier de commerce clandestin l'achat et la vente de produits du cannabis – ainsi que des ustensiles qui en permettent la consommation – quand ils sont publicisés ouvertement comme le démontre cette affiche à quelques pas du Parlement, du ministère de la Justice et du ministère des Finances, à Ottawa.
Bien entendu, le gouvernement canadien songe parfois à légitimiser cette activité économique et ainsi augmenter les taxes, impôts et redevances qu’il perçoit. Hors, peu de gens le savent, mais depuis toujours, les premiers ministres du Canada et des provinces s’endorment tous les soirs en pleurant pour les contribuables qui travaillent si fort pour remettre la moitié de leurs revenus au fisc. Vous comprendrez que la seule pensée d’avoir à percevoir de nouveaux impôts ou à introduire de nouvelles taxes leur fait grincer des dents.
Par ailleurs, L’appareil gouvernemental est lourd, lent, maladroit et coûteux. Pour réglementer le commerce du cannabis, il serait nécessaire d’embaucher nombre de fonctionnaires pour gérer le nouveau programme, mettre en place des structures administratives complexes et élaborer des mesures de surveillance et d’application sévères. Un vrai cauchemar en somme.
En favorisant le statu quo, l’État canadien évite bien des tracas et n’empêche pas les recettes d’exportation de ce produit de circuler assez librement au Canada, ce qui fait rouler l’économie, encourage l’acquisition de biens durables et semi-durables, stimule le marché immobilier, etc. Il est vrai qu’il est impossible de tenir compte de toute cette activité économique dans le système de comptabilité nationale, mais peut-être n’est-ce qu’un moindre mal.
Voilà pourquoi même si le cannabis pousse comme du chiendent au Canada, il est toujours illégal d’en cultiver et d’en consommer.
Évidemment, la réalité n’a sans doute rien à voir avec ce que je viens de vous raconter, mais ma réponse est vraisemblable et de toutes façons c’est quand même une bonne histoire, vous ne trouvez pas?