Publié tous les week-ends/ Published every weekend


You can read English stories from En direct de l'intestin grêle on Straight from the Bowels.

Ne serait-il pas merveilleux si ces histoires étaient vraies? Malheureusement (ou heureusement) ce n'est pas le cas. Elles ne sont que le fruit de mon imagination fertile. Tous les personnages et les événements décrits sont fictifs et si vous croyez vous reconnaître ou reconnaître une de vos connaissances, ce n'était pas mon intention et ce n'est qu'une coïncidence. J'espère que ce blogue vous plaira. N'hésitez pas à en faire circuler le lien où vous vous promenez sur l'Internet et à laisser des commentaires ci-dessous. J'aime bien entendre parler de vous.

Geoffroy


2011-08-29

Un fantôme...



J’avais 32 ans et j’étais lassé de la ville. Les bruits, les odeurs, la chaleur, l’humidité de la cité m’énervaient. Je ne pouvais plus supporter les gratte-ciel de béton et de verre.

Les gratte-ciel, s'ils multiplient verticalement la surface habitable d'un immeuble, bloquent les couchers de soleil. Pourtant, c'est beau un coucher de soleil...


Je suis allé faire une promenade en voiture à la campagne, j’ai vu une vieille maison à vendre, j’ai fait une offre et six semaines plus tard je disais adieu à la vie citadine.

C’était une grande maison construite en 1925, dotée d’une véranda vitrée sur deux côtés. Grande cuisine, grande salle à manger, grande salle de séjour, quatre chambres et un prix dérisoire.

C'était une vente de succession et le notaire chargé de la liquider m’a dit que l’ancien propriétaire, Alberic McGrath, était trop vieux pour bien s’occuper de la maison avant son décès.

En effet, si l’extérieur de la maison était acceptable, l’intérieur était assez délabré. Le vernis des boiseries et des portes pelait, les appareils de la salle de bain étaient tachés par l’eau calcaire du puits et, dans la cuisine, il n’y avait que deux placards et un comptoir minuscule. Au lieu d’un évier, il y avait un bac comme on en trouve dans une buanderie.

Par contre, il s’y trouvait une dépense immense, avec des tablettes profondes sur trois murs. À la campagne, il faut bien emmagasiner ses conserves quelque part.

Il fallait donc que j’accomplisse quelques travaux essentiels avant de prendre possession de la maison.

Une maison construite vers 1925 avec sa véranda vitrée.


Dans les deux semaines précédant mon déménagement, tandis que je m’occupais de ces rénovations, je me suis aperçu que mes nouveaux voisins me trouvaient bien étrange. Un rat des villes qui voulait vivre avec les rats des champs! Quelle idée saugrenue!

Je suis allé au village pour acheter des matériaux pour les réparations. Quand j’ai dit au commis que je venais d’acheter la maison d’Alberic McGrath, j’ai eu droit à un regard méfiant et à un silence gêné.

Je sentais que je n’avais pas gagné de concours de popularité.

Par ailleurs, il me fallut user de beaucoup de diplomatie pour convaincre la compagnie du téléphone de me donner une ligne privée plutôt qu’une ligne partagée. Malgré tous mes efforts, il me fut cependant impossible d’obtenir une deuxième ligne pour le télécopieur et le modem. « Personne n’a d’ordinateur à la campagne, monsieur », m’avait dit sèchement l’employée du téléphone.

Enfin, j’avais d’autres soucis car emménager, c’est un peu apprivoiser un nouveau logement : on trouve rapidement une place pour la plupart de ses biens; les casseroles dans la cuisine, les vêtements dans la penderie, les lits et les commodes dans les chambres, le canapé dans la salle de séjour.

Et puis, il y a toutes ces choses dont on ne sait que faire et qui restent dans des boîtes jusqu’à ce qu’on trouve le temps ou l’envie de les ranger ou de s’en défaire. Comme j’avais beaucoup de place, j’ai transformé une des chambres en débarras pour une douzaine de boîtes et d’objets hétéroclites.

Un soir, pendant que je lisais au lit, j’ai entendu un faible tintement, comme une clochette ou plutôt deux verres qui s’entrechoquent. Je tendis l’oreille sans pouvoir déterminer d’où provenait ce bruit mystérieux. Un seul tintement : « ting »! Puis plus rien.

Dans les semaines qui suivirent, à quelques reprises, je perçus le même tintement. J’inspectai la plomberie et le système de chauffage, mais je ne trouvai rien d’anormal.

J’avais commencé à fréquenter un bar dans un village voisin, le Chic bar salon. Le samedi soir, il y avait un groupe country dont le guitariste, Harry Jones, un « jeune » homme de 78 ans, m’a appris à apprécier la musique de Hank Williams.

Un soir, pendant sa pause, alors que nous discutions, je lui mentionnai que j’avais acheté la maison d’Alberic McGrath. Harry s’esclaffa : « Tu as acheté la maison du sorcier »!

Il m’a alors raconté qu’Alberic McGrath avait la réputation d’être sorcier et que tous les gens de la région le craignaient. Il parlait aux corneilles et aux bêtes sauvages et elles lui répondaient! Il pouvait faire surir le lait des vaches et faire pourrir les récoltes sur pied! Il priait à la lune et aux étoiles la nuit dans les champs! Il ramassait des herbes sauvages pour faire des philtres et des onguents qu’il conservait dans la grande dépense de la cuisine, en fait, c’est là qu’on avait trouvé son corps plusieurs jours après sa mort.

« C’est vrai tout ça », lui demandai-je?

« Bah, qui sait? Ce que je sais, c’est qu’il levait le coude », me répondit Harry en terminant son whysky. « Il aimait bien le gin! »

En retournant à la maison ce soir-là, je pensais que cette histoire pouvait expliquer l’antipathie des habitants du coin à mon égard. Pour ma part, je ne suis pas superstitieux et je trouvais que cette légende donnait un certain cachet à ma maison.

Quelques jours plus tard, quand j’entendis le tintement à nouveau, je me dis : « c’est le fantôme d’Alberic McGrath qui trinque quelque part dans la maison »!

Je me versai un verre de vin et bût à sa santé.

Ma petite amie est venue passer le week-end suivant avec moi et je lui racontai ma découverte en riant.

« Il ne faut pas rire de ces choses-là », me dit-elle sérieusement. « J’ai toujours ressenti un malaise étrange en venant ici, maintenant je sais pourquoi. Je veux retourner chez moi, je ne pourrai plus dormir ici. »

La réaction de mon amie me prit totalement au dépourvu. J’essayai de raisonner avec elle, mais elle ne voulut rien entendre. À contre-cœur, je la ramenai chez elle, en ville.

En revenant à la maison, je pestai contre Alberic McGrath qui savait faire tourner le lait des vaches et aigrir le cœur des amants.

Le lendemain, encore indisposé par la tournure des événements de la veille avec ma petite amie, je décidai de vider quelques boîtes dans la chambre qui me servait de débarras.

Pendant que je m’affairais, j’entendis le tintement fatidique derrière moi, tout près. Je me retournai promptement et je vis au fond d’une boîte que je venais d’ouvrir une petite horloge numérique programmée pour sonner un coup toutes les heures. Le son se propageait lugubrement à travers la maison par l’évent d’air chaud du système de chauffage.

J’avais trouvé mon fantôme.

Lorsque Robert Noyce, le fondateur de la société Intel, a fait breveter la puce de silicium dans les années 1960, il ne se doutait pas que des firmes japonaises s'en serviraient pour commercialiser à grande échelle et avec beaucoup de succès des montres et des horloges numériques. Bien entendu, personne ne se doutait non plus qu'une de ces horloges serait un jour méprise pour un fantôme.


Next week: Barbarella

2011-08-20

Don’t mess with the Captain!


Version française


We all need an island where we can rest our soul from everyday troubles, where we can get away from the trifling hassles of life. We all need a place to hang out and lick our wounds.

There was a lounge I used to go to that catered to a disparate clientele: young and old, wealthy and poor, people from the oldest Canadian Scottish ancestry to newly arrived South American immigrants.

Past the high stools by the bar, there was a couch and a couple of armchairs in a corner. The walls were decked with paintings from local artists who usually favoured earth tones.

Hanging from the high ceilings, old banged up musical instruments – a tuba, a trumpet, a French horn, even a sousaphone – were vigilantly keeping an eye on patrons. Over on one side, a smashed-up double-bass kept guard beside a piano.

sousaphone, etching, brass, marching band, musical instrument
The sousaphone owes its name to American bandmaster John Philip Sousa who was looking for an alternative to the hélicon for his marching band. The sousaphone is from the tuba family and is usually in the key of lower B flat. It is used mostly in marching bands but also in concert orchestras and jazz bands.


All these instruments were nothing but decorative elements. In reality, a couple of nights a week the lounge hosted live jazz bands whose members be-bopped on well-maintained instruments into the wee hours of the night.

But Friday night was DJ night, and from 8:00 PM to midnight a young Brazilian DJ would play house music. After midnight, he was replaced by guest DJs who would move the crowd into more hardcore spheres.

I liked Friday nights. I would arrive early, find a place at the end of the bar, order an anisette for starters, take out a book and read until things got too loud or too hectic.

That particular night I think I was reading Robert Louis Stevenson’s Treasure Island.

Around 10 P.M. – I was now drinking scotch and soda – three ladies in their early 30s wearing peasant blouses, long skirts and flat shoes made a noticeable and lively entrance.

Looking around, they spotted the three empty stools to my right and aimed for them.

I kept reading, vaguely aware of their chatter, when the closest lady, a blonde with long braided hair and dreamy brown eyes asked me what I was drinking.

— I’m drinking whisky and soda, may I offer you one? I replied, ever the gentleman.

— I hate whisky, she giggled. Jack Daniel is a bad, bad man! He makes me do things against my will! I’d rather have Captain Morgan: he may be a pirate but at least he’s a gentleman.

So I asked the barmaid to bring my new friend a rum and cola (what they call a Cuba libre in the Caribbean), and we started to get acquainted.

Her name was Parsley and she and her two friends (Sage and Rosemary) worked at The Castle, a restaurant with a medieval theme where clients dressed in period costumes would gorge themselves with fat, salty and sweet food to forget about the dullness of life while yearning about times gone by.

I could relate to them somewhat as I could relate to the bubbly maidservant who was gracing me with her company, occasionally brushing her bosom against me.

She was funny and I enjoyed her high spirits. Sage and Rosemary however were looking at us with concern.

After Parsley downed her third Cuba libre, Rosemary scolded her, urging her to watch herself. Parsley just shrugged and turned towards me, taking my arm and telling her friends that I was the most well-behaved gentleman she could meet tonight.

Her friends rolled their eyes and suggested going to another bar.

— You go, she told them, I’m staying.

I knew better than to get involved in an argument that wasn’t mine so I returned temporarily to my drink and book, keeping distractedly aware of the disagreement unfolding beside me.

When Parsley’s friends left, she turned and looked at me saying: “I need my captain.”

“It’s all right, I’m here,” I replied and as I ordered another rum and cola for her, the barmaid looked at me and winked.

We kept drinking, talking, laughing and snuggling until closing time. The DJ put on one last song, Parsley and I got up only to realize we were so drunk we would be a road hazard if we drove. By George! We would have been a threat walking on the sidewalk!

So we just stood by the entrance of the bar holding each other.

Soon a taxicab drove by and I flagged it down. We decided to go to Parsley’s place. She lived in a high-rise downtown. When we got there, I looked up at the tower then down at Parsley’s long golden braid and I felt like I was in a brother Grimm’s tale. Still very tipsy, we took the elevator to the 20th floor and entered Parsley’s apartment.

In the subdued light I could make out velvet burgundy drapes hanging over the balcony doors and a lace-covered coffee table in front of a satin couch. One wall was covered with an impressive collection of medieval weapons: a crossbow, daggers, swords, rapiers, arrows.

Parsley certainly takes the dark ages seriously I thought.

— “I need to freshen up,” she said as she left for the washroom. “There’s beer in the fridge!”

I was drawn to the armory wall. I walked unsteadily towards it. I felt like I travelled through time and the liquor I drank all evening was not helping me staying grounded. Everything started to waver and I was afraid I was going to fall.

There was a sword leaning against the wall. I used it as a cane to support myself, resting one foot on a small wooden keg beside it.

That’s when I felt Parsley’s hands reaching from behind to hug me as she whispered: “My captain... Oooh, my captain...”

Captain Morgan, Original Spiced Rum, pose, keg, sabre, pirate
Everybody loves the Captain!.


La semaine prochaine : un fantôme...