Les grands-parents viennent par paires.
Chaque paire de grands-parents est constituée d’une grand-mère et d’un grand-père. La grand-mère et le grand-père constituent donc chacun la demie d’une paire de grands-parents.
Chaque individu possède deux paires de grands-parents : une paire de laquelle sa mère est issue, une paire de laquelle son père provient. Il serait donc juste de dire qu’une personne possède une paire de grands-mères et une paire de grands-pères qui ne sont habituellement pas apparentées.
Les mœurs changent cependant et il devient de moins en moins rare avec les familles reconstituées, les unions entre gens du même sexe, etc. qu’une personne possède plusieurs paires de grands-mères et de grands-pères et même uniquement des paires de grands-mères ou de grands-pères.
Ma famille était une famille traditionnelle. Je n’avais donc qu’une paire de grands-mères et une paire de grands-pères, ce qui suffisait amplement à mes besoins comme il est raisonnable de croire que cela devrait suffire également aux besoins de tous.
Une paire de grands-parents typique
J’aurais beaucoup de choses passionnantes à dire au sujet de ma paire de grands-mères, mais pour le moment je voudrais me concentrer sur ma paire de grands-pères.
Mon grand-père paternel s’est éteint peu après ma naissance. Je n’en ai aucun souvenir, mais à ce que mon père m’a dit, mon grand-père paternel était bienveillant, quoiqu’il ne souriait pas souvent. C’était un grand-père paterne, austère.
Mon grand-père maternel ne souriait pas souvent non plus et c’était bien ainsi puisqu’il ne lui restait plus que trois dents.
Beaucoup de gens avaient essayé de le convaincre de se les faire arracher pour qu’il puisse porter des dentiers, mais en vain. Mon grand-père maternel disait qu’avec des dentiers il n’aurait plus été capable de garder sa pipe en bouche.
Est-ce vrai que les gens qui portent des dentiers ne peuvent plus fumer la pipe? Je ne l’ai jamais su. Si vous le savez, vous, dites-le moi.
En raison de ses trois dents qui faisaient, solitaires, le guet sur ses mâchoires, mon grand-père maternel ne pouvait mastiquer que des aliments bouillis à outrance qu’il mâchouillait longuement de ses gencives enflées.
La vie prend plaisir à faire outrage à la dignité de nos corps en les privant du bon fonctionnement de leurs organes, un à la fois, plus ou moins rapidement.
S’il ne pouvait plus bien mâcher sa nourriture, mon grand-père maternel, en revanche, mâchait ses mots. Heureusement qu’il n’était pas très prolixe car les sons qui sortaient de sa bouche édentée étaient pour la plupart inintelligibles.
La mastication a pour but de favoriser l’ingestion et, par la suite, la digestion, pour finir par l’excrétion le long de l’intestin grêle, du côlon et du rectum.
Ce grand-père maternel a eu le bonheur d’avoir un appareil digestif fonctionnel jusqu’à la fin de ses jours. Toutefois, la performance de ses sphincters laissait à désirer pendant les derniers mois de sa vie. Le personnel médical qui lui prodiguait les soins nécessaires à sa survie devait lui faire porter de ces sous-vêtements imperméables que mon grand-père appelait des « couches ».
« J’aime bien ça », m’avait-il dit lors de notre dernière conversation, quelques semaines avant sa mort, alors qu’il était à jamais alité. « Je n’ai plus besoin de me lever pour aller aux toilettes. Je peux me soulager où et quand je veux... mmmphhh... Comme je le fais en ce moment même! »
C’est par ce pied-de-nez à la fatalité, à la vie qui tentait de lui dérober le peu de dignité corporelle qu'il lui restait, que j’ai constaté que mon grand-père en avait toute une paire.
Next week: It's all about Ranch dressing