Jadis, une de mes amies s’est rendue en France pendant trois semaines pour faire les vendanges. Elle est revenue au Canada un an et demi plus tard après avoir traîné ses pénates partout en Europe et en Méditerranée.
Elle me rendait visite le vendredi soir et, pendant des heures, nous jouions au Scrabble ou au cribbage en buvant du vin et du café.
De bons souvenirs.
Un soir, en entamant la troisième bouteille de vin, mon amie que je n’avais jamais vue fumer, sortit de son sac un paquet de cigarettes égyptiennes qu’elle avait ramené de ses voyages et l’alluma. Moi qui ne fumais pas, pour m’amuser, je lui en demandai une. L’expérience me plut tellement qu’un mois plus tard je fumais un paquet de Gauloises par jour.
J’aime l’odeur et le goût de la cigarette; ils me rappellent mon grand-père fumant du tabac canadien qu’il se procurait chez le cultivateur et mon père qui fumait des Sportsman quand j’étais enfant avant que ma mère et lui ne divorcent.
J’aime les gestes qui accompagnent l’expérience : ouvrir un paquet, sortir la cigarette du paquet, l’allumer en protégeant du vent la flamme du briquet ou de l’allumette, tenir la cigarette entre mes doigts, inhaler profondément la fumée en savourant le goût du tabac, laisser pendre la cigarette au bout de mes lèvres.
Même en fumant distraitement, ces sensations sont irremplaçables.
À l’université, j’avais une petite amie qui ne fumait pas et qui, quand elle se levait avant moi le matin, allumait une de mes Gitanes et me la glissait entre les lèvres pour me réveiller. Il s’agit d’un des souvenirs les plus sensuels de ma jeunesse.
Tout le monde fumait en ces temps-là; c’était l’activité sociale par excellence. On échangeait des cigarettes pour faire connaissance, pour faire durer la conversation, pour prolonger la soirée, pour se donner du cran au travail. Et puis, un café ou un Ricard sans cigarette, ce n’est tout simplement plus la même chose.
Dans l’excellent film de Jim Jarmusch, Coffee and Cigarettes, Tom Waits réussit à convaincre Iggy Pop que, quand on cesse de fumer, on peut en griller une parce que, de toutes façons, on a arrêté de fumer...
Depuis lors tout a changé. D’abord, les gouvernements ont mis en place toutes sortes de mesures pour rendre l’emballage des produits du tabac moins attrayant. Ensuite, ils ont assujettis ces produits à des taxes régressives faramineuses, ce qui a mis en place un régime de contrebande et de fabrication clandestine de cigarettes.Au travail, on a relégué les fumeurs dans des pièces mal ventilées, pour ensuite les chasser à l’extérieur, à 10 mètres des portes, à braver les intempéries, faisant fi des règles d’hospitalité et d’hygiène les plus élémentaires. Le même sort attendait ceux qui fréquentaient les bars et les restaurants quelques années plus tard.
C’est donc dans le but de protéger ma santé contre les rigueurs des rudes hivers canadiens que j’ai essayé une cigarette électronique.
La cigarette électronique a été brevetée en 1963 aux États-Unis, à une époque où les effets néfastes de la consommation de tabac n’étaient pas généralement reconnus, ce qui a nui à sa mise en marché.
Une cigarette électronique est environ de la même dimension qu’un stylo-bille et à peu près du même poids. Elle comporte habituellement une diode électroluminescente (LED) pour indiquer son activation, une pile et les circuits électroniques idoines, un vaporisateur et une cartouche contenant le liquide qui produit la saveur et la « fumée ».
La cigarette électronique est activée en aspirant au bout de la cartouche contenant le liquide une fois que celle-ci est vissée au reste de l’appareil.
Ce liquide est à base de propylèneglycol ou de glycérine, produits habituellement utilisés dans les nébuliseurs pour traiter l’asthme. Il contient également des additifs alimentaires ou de la nicotine. La vente de cigarettes électroniques contenant de la nicotine n’est pas autorisée au Canada, mais il est assez facile de se procurer les cigarettes sans nicotine.J’ai ainsi déboursé 10 dollars pour une cigarette à base d’additifs alimentaires qui devait me procurer l’équivalent de la jouissance que j’éprouverais avec deux paquets.
Hélas, trois fois hélas.
Si cette cigarette électronique m’a donné l’impression de fumer « pour de vrai », j’ai été déçu par son goût et son odeur. Le dispositif produit une odeur douceâtre et a un goût végétal, qui rappelle un peu celui du tabamel qu’on fume avec un narguilé. Je n’ai jamais aimé le tabac aromatisé, je préfère un goût amer et musqué.
Ensuite, le poids et la dimension du dispositif me gêne. Impossible de tenir la cigarette seulement du bout des lèvres, car elle est trop lourde, et sa longueur en rend la manutention incommode.
Enfin, la cigarette électronique produit de la « fumée » qui est en réalité un gaz produit par l’évaporation du liquide sous l’effet de la chaleur du courant électrique de la pile. Cette fumée saura, j’en suis convaincu, déranger certains non-fumeurs ou des ex-fumeurs qui devraient se calmer les nerfs et réapprendre à savourer les plaisirs simples de la vie.
À force de se le faire répéter, il est difficile de ne pas croire que la consommation des produits du tabac est nocive pour le cœur et les poumons. Je suis cependant de ceux qui sont persuadés que si une médaille a son envers, elle a également son endroit. Chaque Romulus a son Rémus et chaque Caïn a son Abel. Si l’usage du tabac demeure populaire malgré tous les efforts pour l’enrayer, c’est que le tabac doit posséder des vertus invulnérables aux campagnes de publicité de l’État et du corps médical.
Si on interrogeait les Autochtones d’Amérique, peut-être pourraient-ils nous mettre sur la bonne piste à ce sujet...
Au Canada, une photo souvent dégueulasse et une mise en garde menaçante sur les effets de la consommation de produits du tabac doit apparaître sur la moitié de la surface d’un paquet de cigarettes. Sur le côté du paquet, les fabricants doivent énumérer les produits nocifs qui entrent dans la composition du produit. Ce genre d’avertissement pourrait finir par être obligatoire sur les menus de restaurants, à l’entrée des immeubles publics, sur la carosserie des automobiles, etc. Parce que, admettons-le, à peu près tout ce que nous ingérons, tous les lieux que nous fréquentons, tous les produits de consommation que nous utilisons et toutes les activités auxquelles nous nous livrons comportent des risques pour la santé.
Très bonne histoire : je n'ai pas pu m'empêcher d'en allumer une. Merci!
RépondreEffacerC. P.
Je suis heureux d'être une source d'insiration!
RépondreEffacerMerci de lire l'Intestin grêle,
Geoff
J'ai arrêté de fumer il y a plusieurs années et je ne m'en plains pas. Tes arguments pro-tabac sont cependant très intéressants. On voit que ça n'a pas que des mauvais côtés ... mais à quel prix?
RépondreEffacerL.
Si on est heureux sans fumer, pourquoi commencer ou recommencer? Mais si on est malheureux parce qu'on ne fume plus, il est sans doute pertinent de se poser des questions et d'examiner les options.
RépondreEffacerQuoi qu'il en soit, merci de lire l'Intestin grêle,
Geoff
Excellent récit! Je n'ai jamais su mettre en mots les émotions positives ressenties par rapport à une bonne cigarette! Très intéressant!
RépondreEffacerJ. R.
Fumer une cigarette produit des sensations irremplaçables... Irremplaçables...
RépondreEffacerMerci de lire l'Intestin grêle,
Geoff
Votre billet est très pertinent, merci!
RépondreEffacerS. via Twitter
Merci pour le poste FANTASTIQUE! Cette information est vraiment bon et grâce une tonne de la partager:-)
RépondreEffaceriquide cigarette electronique
Tout le plaisir est pour moi. Merci de lire En direct de l'intestin grêle et de partager mes billets.
EffacerGeoffroy